Les visiteurs gourmands et curieux qui viennent au Cambodge, que leur séjour soit de très courte ou de très longue durée, connaissent parmi les plats variés consommés au petit-déjeuner par les héritiers des bâtisseurs d’Angkor, les différentes formes sous lesquelles est proposé un aliment de base, un « staple food » comme on dit de l’autre côté du Pacifique ; je veux parler de la « bouille de riz » (appelée en khmer បបរ, prononcer « bobo », en prononçant le « o » comme dans le mot français « bord »). Sur Sinogastronomie, nous en avons d’ailleurs déjà vu trois avatars : au blanc et foie de poulet (ici), aux ingrédients variés (ici), et même au pigeon (ici). Sachant cela, vous imaginez bien que ce n’est pas sans une idée bien précise derrière la tête que je décidai, le matin du 16 octobre 2012, de renonce au petit-déjeuner, certes gratuit mais médiocre, de l’hôtel, pour aller flâner du côté du marché aux crabes.
Je me mis donc en quête de l’établissement qui me proposerait la version « crabière » de la bouillie susmentionnée, et demandai à l’entrée du premier restaurant se trouvant sur mon chemin : « មានបបរក្ដាមអត់? » (Y a-t-il de la bouille de riz au crabe ? – bouillie de riz au crabe se dit បបរ ក្ដាម « bobo kdamme »). Vous imaginez ma déconvenue quand on me répondit : « អត់! » (Il n’y en a pas !). Vous vous figurerez encore sans peine mon désespoir lorsque l’on me fit la même réponse trois fois de suite ! J’ai dû avoir l’air si malheureux qu’une serveuse, se cachant de sa patronne, me dit en catimini : « Il y en a au marché ! ».
Je me dirigeai donc, le cœur plus léger et d’un pas assuré, vers le marché, à la recherche de l’étal salvateur proposant l’élixir convoité. Je le trouvai, mais il était littéralement pris d’assaut par les locaux. De plus, la chaleur, l’environnement peu engageant, le bruit, me tinrent à distance respectueuse. Je décidai donc, en me fiant à ma bonne étoile, de reprendre ma quête, en me disant que je finirai par trouver le restaurant idoine, dussé-je y passer la journée !
Et je finis par trouver l’objet de ma convoitise à l’opposé du marché, dans le petit établissement sans prétention se trouvant juste à gauche du restaurant Kim Ly (j’ai malheureusement omis de noter le nom dudit établissement).
La bouillie de riz au crabe n’était pas sur la carte, mais sa disponibilité me fut confirmée par la tenancière des lieux. Il me fallut patienter un bon moment (probablement le temps nécessaire pour faire cuire la bestiole et extraire sa chair de l’exosquelette), mais ma patience fut récompensée par l’arrivée d’un bol de belle taille (le format standard pour ce genre de bouillies), rempli de l’épais liquide céréalier, dans lequel était déjà incorporée la chair du crustacé, et sur lequel on avait généreusement saupoudré de l’ail haché menu et frit.
J’appréciai l’absence de filaments de gingembre (souvent trop nombreux à mon goût dans ce type de préparation). Pour permettre à chacun de rectifier l’assaisonnement selon son goût, la bouille fut servie avec, présentés à part : ciboulette hachée, poivre noir moulu, quartiers de citron vert à presser et sauce de poisson.
L’absence des pousses de soja généralement proposées en accompagnement ne me gêna en rien (« Le soja, c’est pas bon pour l’arthrose », m’a dit mon médecin chinois), mais je profitai lâchement du citron vert dont je pressai le jus dans le bol et d’une petit poignée de ciboulette hachée. Gourmand comme pas deux, je déversai deux ou trois généreuses pincées de poivre. Le tout fut arrosé de café glacé à la mode locale, mais sans sucre ni lait, ni lait concentré sucré, et dévoré en beaucoup moins de temps qu’il ne m’en a fallu pour rédiger le présent billet. L’objet du délit est représenté ci-dessous :
(Pour voir les autres billets de cette série, cliquez sur les liens : opus 1, opus 2, opus 4, opus 5, opus 6, opus 7, opus final)
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