J’ai demandé il y a quelques jours à aide familiale de me concocter un exemple concret de l’utilisation des feuilles de momordique. J’avais en effet l’envie de me remettre en mémoire gustative l’amertume modérée de ces feuilles. Saroeung a saisi l’occasion pour confectionner un plat bien connu et apprécié des Cambodgiens, qui l’appellent tout simplement « sauce aux ingrédients » (ទឹកគ្រឿង [teuk krœang]).
Entrent en général dans la composition de cette sauce : du poisson frais, du prahok (qui peut être remplacé par du fumet de poisson), des arachides grillées grossièrement pilonnées, du sel, de l’ail haché, du jus de citron vert, du sucre, du piment (éventuellement).
Le poisson utilisé est toujours un poisson d’eau douce. Sa nature est variable : il peut s’agir de panga tacheté (Pangasius larnaudii, ត្រីពោ [trei pô], utilisé de préférence, mais un peu trop gras au goût de certains), de poisson tête de serpent géant (ត្រីឆ្ដោ [trei chhdao], Channa micropeltes), voire de poisson tête de serpent strié (Channa striata, ត្រីរ៉ស់ [trei rås]). Certaines recettes ne précisent même pas l’espèce, il semblerait donc que le maître-queux qui prépare ce mets de choix puisse sélectionner le poisson de sa préférence.
Le poisson est cuit à l’eau salée puis laissé à refroidir à température ambiante. La chair du poisson est ensuite émiettée et mélangée aux autres ingrédients. La préparation finalement obtenue est de texture plutôt épaisse.
Cette sauce sert à agrémenter divers légumes crus ou cuits : haricots kilomètres, fleurs diverses, feuilles blanchies de toutes sortes, aubergines grillées, feuilles de laitue, fleur de bananier émincé, concombre débité en rondelles ou en quartiers, pédoncules de nénuphars, gombos, petits maïs… Bref, tous les légumes utilisés en anluk peuvent accompagner cette sauce.
Les Cambodgiens sont très friands de ce mets et peuvent en faire leur repas, en l’accompagnement tout simplement de riz blanc.
Dans la version que j’eus l’insigne bonheur de déguster le 21 juin 2018, je disposai de quatre légumes : feuilles de momordique, bien sûr, mais aussi feuilles de neptunie potagère, aubergines grillées et fleurs de sesbanie de Java. Le poisson choisi était du poisson tête de serpent géant. Le prahok avait été remplacé par du fumet de poisson et aucun piment n’avait été adjoint. Voici :
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