Escapade gourmande au Yunnan (3) : Les vermicelles de riz qui traversent le pont (过桥米线)

L’une des spécialités les plus renommées du sud du Yunnan est un plat de nouilles de riz connu pour sa richesse et son originalité : les vermicelles de riz qui traversent le pont (过桥米线 [guòqiáo mǐxiàn]). Le principe en est des plus simples : un bol généreux de bouillon de volaille, dans lequel sont plongés des ingrédients d’accompagnement, des épices et bien entendu les célèbres « vermicelles de riz du Yunnan ».
À propos de ce mets haut en couleurs, on raconte la légende suivante : il y a un siècle et demi, dans le bourg de Mengzi (蒙自 [méngzì], non loin de la frontière avec le Laos), vivait un jeune lettré qui préparait avec ferveur les examens du mandarinat. Pour pouvoir potasser les classiques confucéens en toute tranquillité, il s’était aménagé une salle d’étude sur une petite île du lac qui bordait la ville. Son épouse attentionnée lui préparait le déjeuner et allait le lui apporter tous les jours, en passant par le pont qui reliait l’île à la berge. Or, lorsqu’elle arrivait dans la salle d’étude, le repas avait refroidi. Mais un jour qu’elle apporta à son mari un bol de vermicelles, elle s’aperçut que la couche de graisse de poulet qui surnageait à la surface du bouillon servait en quelque sorte d’isolant et que la soupe où elle avait plongé les ingrédients et les vermicelles de riz était restée chaude. Elle décida à partir de ce jour de préparer ce plat quotidiennement pour son époux studieux. Afin de garantir la fraîcheur des saveurs, elle eut en outre l’idée de n’intégrer les ingrédients de la soupe qu’à la dernière minute, au moment de servir. C’est ainsi que serait né ce mets qui s’est ensuite largement diffusé dans le sud de la province.
Le bouillon dans lequel sont servis les vermicelles est invariablement un bouillon de poule. À la surface de ce bouillon, on dépose encore une couche de graisse de volaille. Pour préserver encore mieux la chaleur, le bouillon est servi dans un grand bol de terre cuite. Dans les restaurants, le liquide est littéralement bouillonnant lorsqu’il arrive sur la table. C’est un point essentiel, car ce bouillon va servir à cuire les aliments qui y sont plongés. (Ci-dessous, un bol de bouillon encore en ébullition qui me fut servi dans un restaurant de Kunming, le 24 décembre 2017.)
L’habitude veut que l’on serve à côté du bouillon un plateau contenant les ingrédients à ajouter. Il s’agit tout d’abord d’ingrédients carnés : bœuf en fines tranches, poulet cuit débités en morceaux de la tête d’une bouchée, poisson cru en fines tranches (il s’agit souvent de 乌鱼 [wūyú], littéralement « poisson noir », qui est le nom chinois de Channa argus, en français « tête de serpent »), abats de porc (rognons), jambon séché, jambon cuit, œuf de caille cru… On peut encore trouver des vermicelles de riz accompagnés de fruits de mer, mais le Yunnan n’ayant pas de façade maritime, ce type d’ingrédient est considéré par les puristes comme parfaitement déplacé dans ce mets traditionnel. Les accompagnements végétaux peuvent également être des plus divers : champignons de toutes sortes (dont le Yunnan est très riche), pousses de pois cultivé, légumes en saumure, grains de maïs, tomates concassées, carottes en fines tranches, lamelles de tofu séchées préalablement blanchies, etc. Les épices sont essentielles : coriandre, filaments de gingembre, poivre, fleurs de jasmin en bouton… Il est à noter que les vermicelles qui traversent le pont sont rarement consommés avec du piment, même si certains restaurants, pour satisfaire les amateurs de sensations fortes, proposent des bouillons dans la composition desquels entrent divers types de piments. Les accompagnements sont directement ajoutés au bouillon, avant les vermicelles.
Pour illustrer la diversité des accompagnements, voici une photo qui présentent trois plateaux d’ingrédients correspondant à trois variantes de vermicelles qui traversent le pont commandées dans un restaurant de Dali, le 29 décembre 2017.
Ce n’est que lorsque accompagnements et épices ont été plongés dans le bouillon brûlant que l’on y intègre les vermicelles de riz, qui ont préalablement été blanchis.
Au final, on a devant soi un grand bol de soupe fumante, enrichie des multiples ingrédients et épices qui confèrent à l’ensemble une gamme subtile de saveurs et qui, avec la participation des vermicelles, constitue un repas copieux.
Ci-dessous, mon bol de vermicelles de riz qui traversent le pont sur le point d’être englouti (photo prise le 27 décembre 2017) :

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Un commentaire pour Escapade gourmande au Yunnan (3) : Les vermicelles de riz qui traversent le pont (过桥米线)

  1. chris 06 dit :

    Cela me remet en mémoire la fondue………. Merci Chris 06

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