Ingrédients : Poisson riel (ត្រីរៀល)

Nous avons à plusieurs reprises évoqué le poisson riel, composante essentielle du prahok (ប្រហុក), fameux condiment de la cuisine khmère, mais n’avons jamais parlé de façon plus complète de ce poisson. Le présent billet remédie à cette insuffisance impardonnable !
Le poisson riel (ត្រីរៀល) (et le prahok) occupe une place si importante dans la vie quotidienne des Cambodgiens que c’est lui qui a donné son nom à la monnaie nationale (le « riel », symbole : ៛, code : KHR) ! (Pour info, il faut plus ou moins 4 000 riels pour acheter 1 dollar US).
L’identification de ce poisson a été rendue pour moi un peu difficile, car LE dictionnaire khmer-anglais de Headley, qui fait un peu office de « bible » des khmérisants, prétend qu’il s’agit du Dangila cuvieri (synonyme de Labiobarbus leptocheilus). Ce qui est faux, a priori ! Disons à la décharge du linguiste émérite que Dangila ressemble beaucoup à notre riel !
C’est grâce à un petit fascicule khmer présentant de façon succincte les principales espèces de poissons d’eau douce au Cambodge (nous avons présenté ce fascicule ici) que j’ai découvert que le « riel » est en fait un représentant de la famille Henicorhynchus, soit siamensis, soit lobatus. Cette information est d’ailleurs confirmée par un ouvrage de la FAO, intitulé Fishes of the Cambodian Mekong. Ce dernier ouvrage précise qu’en réalité, trois espèces de poissons riel servent à confectionner le prahok : Henichorynchus caudimaculatus (en khmer tout simplement ត្រីរៀល), H. cryptopogon (ត្រីរៀលអង្កាម) et H. siamensis (en khmer ត្រីរៀល ou plus précisément ត្រីរៀលតុប) (voir les pages 111 et 112 de l’ouvrage en question). (H. lobatus, cité ci-avant, est un synonyme de H. cryptopogon.) C’est cette troisième espèce qui est principalement utilisée pour la fabrication du prahok.
Ce petit poisson (20 cm au maximum) se trouve bien entendu dans la portion cambodgienne du Mékong, mais aussi et surtout dans le lac Tonlé Sap, qui est le principal lieu de production du prahok. La bête se nourrit essentiellement d’algues, de périphyton et de phytoplancton.
L’ayant consommé à de maintes reprises sous la forme de prahok, j’ai soumis notre cuisinière à un interrogatoire en règle pour savoir si ce poisson essentiel pouvait éventuellement être consommé sous un autre forme (grillé, en soupe), voire si sa chair pouvait être utilisée pour confectionner l’une ou l’autre de ces boulettes de poissons cambodgiennes, que l’on trouve dans les soupes ou grillées.
La réponse a été catégorique : non, jamais ! En pays khmer, on ne consomme le riel que sous forme de prahok, soit comme condiment accompagnant le riz, soit en composition dans d’autres plats (soupe, grillé, en terrine, etc.) La raison en est simple : la présence d’arêtes nombreuses pose un défi trop difficile à relever pour les bouches le plus habiles !
Ci-dessous, deux représentants de la famille riel. L’image vient du fascicule évoqué ci-avant.
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