Des graines de jacquier qui n’en sont pas !

Il existe au Cambodge un dessert appelé « graine de jacquier » (គ្រាប់ខ្នុរ [kroap khnao]), que j’avais déjà évoqué de façon succincte, en novembre 2013, dans un article consacré à un triptyque de desserts khmers, voir ici.
Il est vrai qu’on consomme au Cambodge les graines de jacquier, qu’enveloppe la chair du gros fruit. Cette chair, de couleur jaune-clair à orangée, est forte en saveur et délicieuse. Pour pouvoir consommer les graines, il faut d’abord les cuire à l’eau ou les griller, car sinon elles sont toxiques. Le jésuite Alexandre de Rhodes (1591-1660), qui vécut au Tonkin et en Cochinchine entre 1624 et 1645, ne tarit d’ailleurs pas d’éloges quant à ces graines de jacquier, qu’il appelle « châtaignes » : « C’est en cette terre où il y a grande quantité de ces arbres qui portent de gros sacs tout pleins de châtaignes. Un seul est capable de charger un homme, aussi la providence de Dieu a voulu qu’ils ne viennent pas sur les branches qui ne pourraient pas les porter, mais ils sortent du tronc même. Le sac est une peau fort épaisse que l’on coupe, et on trouve dedans quelquefois cinq cents châtaignes, beaucoup plus grosses que les nôtres. Mais ce qu’elles ont de meilleur est la peau fort blanche et fort savoureuse, que l’on tire avant de cuire la châtaigne. » (cf. Divers voyages et missions du P. Alexandre de Rhodes en la Chine et autres royaumes de l’Orient, avec son retour en Europe par la Perse et l’Arménie, le tout divisé en trois parties). Voici d’ailleurs ci-dessous quelques graines de jacquier :

(Photographie : Pascal Médeville)

Ces « châtaignes » sont un peu farineuses, et ont peu de saveur. Sans doute est-ce la raison pour laquelle elles sont peu consommées aujourd’hui. En revanche, le dessert appelé en khmer « graine de jacquier » est assez apprécié. Il se présente sous la forme de cylindres longs d’environ 5 à 6 cm, d’une belle couleur jaune vif. Mais… dans leur composition n’entre pas la moindre parcelle de jacquier, qu’il s’agisse du fruit ou de la graine.
Il s’agit en réalité de boulettes dont la matière première principale est une purée de haricots mungo décortiqués.
On commence par faire tremper les haricots mungo décortiqués dans de l’eau pendant trois heures. Les haricots trempés sont ensuite soigneusement rincés à l’eau claire. Puis on les fait cuire à la vapeur une quinzaine de minutes. Une fois les haricots cuits, on ajoute les autres ingrédients : sucre en poudre et crème de coco.
Il faut mixer le mélange jusqu’à obtenir une pâte assez épaisse. Il s’agit ensuite d’assécher cette pâte en la faisant chauffer dans une poêle à feu doux, jusqu’à ce que le mélange épaississe. Il faut obtenir une pâte dont la consistance est similaire à celle de la pâte à choux. On peut alors confectionner les boulettes oblongues.
Une fois les boulettes façonnées, on casse des œufs de canne, on en conserve uniquement le jaune, que l’on mélange et que l’on filtre dans une passette. Il faut encore préparer un sirop de sucre assez riche (deux bols de sucre en poudre pour un bol d’eau). Lorsque le sirop bout, on s’arme d’une passette pour enlever l’écume qui se forme à la surface. On réduit la puissance du feu à feu doux.
Pour finir la préparation, on enrobe les boulettes de pâte de haricots mungo du jaune d’œufs de canne, et on place les boulettes dans le sirop. Lorsque l’ébullition du sirop reprend, on enlève les boulettes qui ont pris leur couleur jaune vif définitive, et on les dresse dans un plat.
Pourquoi alors parler de « graines de jacquier » ? Le nom de ce dessert vient tout simplement de sa forme et de sa couleur, qui évoquent la couleur de la graine du jacquier entourée de sa chair.
Ci-dessous, une petit portion de « graines de jacquier » :

(Photographie : Pascal Médeville)


La recette énoncée ci-dessous est parfaitement illustrée dans la vidéo suivante, trouvée sur Youtube :

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