Au Cambodge, le sucre de palme est fréquemment utilisé sous diverses formes : pâte, poudre, galettes, palets, sirop… Il existe une autre forme, aujourd’hui un peu oubliée, sous laquelle peut se consommer ce sucre, qualifié alors de sucre « tangmaè ».
« Yât et Tol avaient demandé avec insistance à leur mère de laisser un peu de sucre au fond de la marmite, puis avaient demandé à Phkar Kroch de continuer à triturer la mixture jusqu’à obtenir du sucre ‘tangmaè’ dont ils étaient friands. Bathovi prit une feuille de borasse pour ramasser un peu de sucre ‘tangmaè’ et y goûter comme les enfants. Il en loua le parfum et la saveur et dit que c’était encore meilleur que le chocolat. »
Ce court passage se trouve à la fin du chapitre XII d’un roman en khmer intitulé Orange Blossom, publié en 2011 par Bouchan Sokserei, jeune romancière cambodgien de talent. La scène se déroule à la fin du processus qui consiste à réduire la sève du palmier à sucre pour en faire ce sucre cambodgien exceptionnel à la saveur caramélisée et à la jolie couleur brun clair.
Ignorant le sens de l’expression khmère « sucre tangmaè » (ស្ករតាំងម៉ែ [skâ tang-maè]), je consulte un dictionnaire, qui me dit que c’est « une sorte de taffy », ce bonbon mou et moelleux inventé aux États-Unis. Je ne suis guère plus avancé…
Heureusement, une petite vidéo (voir ci-dessous) m’en apprend beaucoup plus. Il s’agit en réalité d’un état particulier du sucre de borasse. Le sucre sous forme de pâte est mis dans une casserole et chauffé de façon à réduire fortement et à prendre une couleur marron foncé. Le sucre prend alors une consistance épaisse et est étalé sur une feuille de bananier, ou coulé dans de petits moules en feuilles de borasse. Il se consomme avant d’être solidifié. Comme vous pourrez le voir dans la vidéo ci-dessous, il peut être agrémenté d’arachides broyées. Une fois durci, ce sucre devient tout simplement un bonbon dur. Le processus de fabrication n’est en fait pas très éloigné de celui des bonbons durs que nous connaissons.
Une amie cambodgienne qui a vécu en Chine m’explique que c’est ce type de sucre qui est aussi utilisé dans l’Empire du Milieu pour fabriquer les fameuses brochettes de fruits enrobés d’une fine pellicule de sucre appelées « tang hulu » (糖葫芦 [táng húlú]), à la différence près que ce n’est pas du sucre de borasse que les Chinois utilisent, mais du maltose. Au Cambodge aussi, d’ailleurs, le maltose n’est pas inconnu : il est fabriqué à partir d’un mélange de riz ordinaire et de riz glutineux, et il est appelé « sucre tangmaè de riz » (ស្ករតាំងម៉ែស្រូវ [skâ tang-maè srov]).
Cette même amie cambodgienne m’explique encore que le sucre tangmaè avait aussi, dans le passé, une autre utilisation, bien peu gastronomique : les jeunes femmes cambodgiennes, voulant se faire belles le jour de leur mariage, s’appliquaient ce sucre sur le visage et s’en servaient comme d’une cire dépilatoire ! Cette « cire dépilatoire » était aussi parfois utilisée par les Cambodgiennes pour s’épiler les bras ou les jambes.
Ci-dessous, démonstration de fabrication et de dégustation de sucre tangmaè :
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