Pour le plaisir : Embrouillamini d’anguille de marais à l’huile tonitruante (响油鳝糊)

Pendant que je me régalais à Phnom Penh des anguilles de marais sautées aux épices à la mode khmère, je me remémorais avec émotion et gourmandise les plats nombreux et variés dans lesquelles l’anguille de marais jouait le rôle principal dont je m’étais délecté en dix ans de séjour en Chine. Imaginez-vous qu’il existe même un ville dans le nord de la province du Jiangsu, la ville de Huaian (淮安 [huái’ān]), réputée pour la qualité de ses anguilles de marais, et qui a porté la préparation culinaire de cet animal à des sommets atteints nulle part ailleurs. On a recensé localement ville 108 (je dis bien cent huit) façons différentes d’accommoder cette bestiole ! J’avais d’ailleurs conçu le projet, profitant d’un séjour à Suzhou, d’y retourner ce week-end, malheureusement mes obligations professionnelles me l’ont interdit, et j’ai dû me « contenter » d’un mets d’anguille de marais réputé à Shanghai et dans sa région : l’embrouillamini d’anguille de marais à la sauce tonitruante (响油鳝糊 [xiǎngyóu shànhú).
La traduction que je donne de ce plat n’est pas aussi burlesque qu’elle n’y paraît, elle est même linguistiquement tout à fait fondée : 响 [xiǎng] signifie « faire beaucoup de bruit », 油 [yóu], c’est l’huile, 鳝 [shàn] est l’abréviation de 鳝鱼 [shànyú], qui est l’un des noms chinois de l’anguille de marais, et 糊 [hú] est un mot assez générique s’appliquant aux mélasses et autres liquides plus ou moins visqueux et troubles.
Il s’agit en fait d’un plat d’anguille de marais dont la chair a été découpée en fines lanières. Les lanières de chair sont sautées et agrémentées, en cours de cuisson et entre autres, de sauce de soja, du sucre, etc. Une fois l’ensemble cuit, on dresse la préparation dans une assiette plate, on place en petit tas touffu contenant de l’ail haché, des filaments de gingembre, de la ciboulette ciselée, de poivre blanc moulu, et on arrose ledit petit tas, juste avant de servir le mets, d’huile chaude qui crépite agréablement lorsqu’elle se déverse sur les épices, d’où le tonitruance évoquée dans ma traduction du nom de la spécialité.
Avant consommation, on mélange consciencieusement les filaments d’anguille et les épices de façon à obtenir un mélange homogène.
Ce sauté d’anguille chinois fait partie des plats dont on dit qu’ils font « descendre le riz » (下饭 [xiàfàn]), c’est-à-dire qu’ils accompagnent magnifiquement le riz blanc cuit « à la vapeur » et qu’ils ont tendance à augmenter de façon démesurée l’envie que l’on a de remplir son bol de riz, puis de le vider, puis de le re-remplir, puis de le re-vider, puis…
La photo ci-dessous est celle du plat d’embrouillamini d’anguille de marais à l’huile tonitruante, avant homogénéisation, que j’ai dégusté à l’occasion du dîner du 17 mars 2013 dans un petit restaurant de Suzhou.
xiangyou shanhu

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