Si vous demandez à un Chinois gourmand de citer le nom d’un restaurant célèbre à Suzhou, il est probable qu’il donnera le nom du Deyuelou (得月楼 [déyuèlóu], littéralement la « Tour où l’on décroche la lune »). C’est en effet, avec le Songhelou (松鹤楼 [sōnghèlóu]), l’un des restaurants les plus célèbres et les plus anciens de la ville des jardins classiques chinois, connue de longue date en Occident, notamment grâce à la description qu’en a donnée Marco Polo dans son Livre des Merveilles.
On dit du Deyuelou qu’il fut fondé à l’ère Jiajing (嘉靖 [jiājìng]), pendant le règne de l’empereur Shizong des Ming (明世宗 [míng shìzōng], r. 1522-1566). À cette époque, effectivement, le préfet de la région avait fait édifier un bâtiment appelé Deyuelou. Ce bâtiment était situé alors près de la rue Bantang (半塘街 [bàntángjiē]), qui est aujourd’hui l’une des grandes artères touristiques de Suzhou, située à proximité de la célèbre Colline du Dragon (虎丘 [hǔqiū]), autre haut lieu du tourisme local. On raconte même que l’empereur Qianlong (乾隆 [qiānlóng], r. 1736-1796), lors de l’une des visites qu’il fit incognito dans la ville, eut l’occasion de s’y restaurer, et prétendit qu’il s’agissait du meilleur restaurant de l’Empire.
Cependant, si vous interrogez les anciens Suzhoulais, ils vous diront que le Deyuelou n’est pas si ancien que le prétend sa propagande : en effet, on ne trouve plus trace de cet établissement après le dix-huitième siècle, et ce n’est qu’en avril 1982 que fut ouvert dans la « ruelle des eunuques » un restaurant qui prit le nom de Deyuelou.
La notoriété actuelle de cet établissement vient avant tout et surtout d’une comédie tournée en 1983, intitulée Xiaoxiao deyuelou (《小小的月楼》 [xiǎoxiǎo déyuèlóu], le « Tout petit Deyuelou »), dont l’intrigue a pour thème ce restaurant. (Nous avons parlé récemment de ce film sur Sinogastronomie, ici.)
Le Deyuelou est bien entendu réputé pour ses spécialités locales : les gourmands pourront y découvrir l’illustrissime « perche-écureuil » (松鼠鳜鱼 [sōngshǔ guīyú]), l’« embrouillamini d’anguilles du marais à l’huile tonitruante » (响油鳝糊 [xiǎngyóu shànhú]), les « crevettes au thé biluo » (碧螺虾仁 [bìluó xiārén]), de nombreux « dim-sum » locaux, et bien d’autres choses (la carte compte quelque 300 plats, dont de nombreux plats de saison).
Malheureusement, comme de nombreux établissements chinois qui abusent de leur réputation et sont décidément orientés vers le tourisme, la qualité n’est le plus souvent pas au rendez-vous ! Les plats sont médiocrement préparés, et les prix sont excessifs. Les autochtones, en tout cas, considèrent que ce restaurant, tout comme son concurrent direct, le Songhelou (qui est situé juste de l’autre côté de la ruelle des eunuques), est avant tout un restaurant à touristes. Lorsqu’ils veulent déguster des plats de leur ville, les Suzhoulais préfèrent le plus souvent fréquenter des restaurants qui sont contraints, pour subsister, de proposer une restauration de qualité, à des prix plus raisonnables.
Ci-dessous, l’entrée du Deyuelou (photo prise le 9 mars 2016) :
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Ping : Pour le plaisir : Boulette de riz glutineux au jus de chrysanthème à la suzhoulaise | Sinogastronomie
Ce restaurant me fait pensé à celui décrit dans Vie et passion d’un gastronome chinois que je dévore dans
Ce livre me fait pensé à celui décrit dans Vie et passion d’un gastronome Chinois!
Chantal.
Ping : Sino-cinoche : Xiaoxiao Deyuelou 小小得月楼 | Sinoiseries