Ingrédients : Fourmi tisserande d’Asie (អង្ក្រង)

Si vous avez visité le Cambodge, peut-être avez-vous eu l’occasion de rencontrer l’un ou l’autre plat contenant un ingrédient qui nous semble plutôt insolite : fourmis.
Dès novembre 2011, Sinogastronomie avait présenté le prahok, cette pâte de poisson fermentée, ingrédient indispensable de la cuisine cambodgienne (voir ici) ; en février 2013, nous avions encore parlé de la technique de fabrication du prahok (voir ici). Mais jamais, et c’est un oubli regrettable, n’avions-nous parlé de cet autre ingrédient-phare de la cuisine des Khmers que sont les fourmis, souvent cuisinées avec le prahok.
Les fourmis utilisées au Cambodge sont appelées « âng-krâng » (អង្ក្រង). Ce mot désigne spécifiquement une espèce connue en français sous le nom de « fourmi tisserande d’Asie » (Oecophylla smaragdina). Elle est qualifiée de « tisserande » car elle a la particularité, dixit Wikipedia, « de coudre les feuilles des arbres où elle habite avec le fil de soie que ses larves produisent » (voir ici). Le genre Oecophylla comporte deux espèces : notre fourmi asiatique, qui se trouve sur un région qui s’étend de l’Inde du Nord au nord de l’Australie, et la fourmi tisserande africaine (Oecophylla longinoda), plus connue sous le nom de fourmi rouge, que l’on ne trouve qu’en Afrique, sous à peu près les même latitudes.
Fourmi tisserande d’Asie mâle (Photo : Bernard DUPONT from FRANCE, CC BY-SA 2.0, via Wikimedia Commons)

Wikipedia précise que : « dans de nombreux pays, on la consomme pour son gastre riche en vitamine C et pour son goût acidulé. » C’est en effet ce goût acide qui est surtout recherché par les Cambodgiens. Dans les fourmis grillées au prahok haché, ce goût vient contrebalancer quelque peu la saveur très forte de la pâte de poisson.
Les colonies de fourmis sont nichées dans les arbres (manguiers…) et comptent plusieurs centaines de milliers d’individus. Réunir une quantité suffisante de fourmis pour constituer un plat n’est donc pas très difficile. Il faut cependant se dépêcher lors de la récolte, afin de réduire au minimum les piqûres douloureuses qui provoquent les bestioles.
Un nid de fourmis tisserandes (la photo vient du site Chanbokeo, voir ici) :

Au fond des nids des fourmis se nichent en général des œufs (appelés ពងអង្ក្រង [pong âng-krâng], littéralement « œufs de fourmis tisserandes »), qui ne sont en réalité pas les œufs des fourmis, mais ceux d’une autre espèce, connue sous le nom de « mé smel » (មេស្មិល), que je n’ai pas réussi à identifier (voir Ang Choulean, Cuisine rurale d’Angkor, p. 52). Ces œufs sont souvent blancs, parfois verts. Ils peuvent être cuisinés avec les fourmis, ou séparément.
Les fourmis sont recueillies de la façon suivante : on place un panier à l’extrémité d’un long bambou. Le bout du bambou va triturer le nid dans lequel sont nichées les fourmis, et les fourmis, œufs, feuilles tombent au fond du panier. Une fois le panier descendu, on verse rapidement son contenu dans un seau au fond duquel on a versé de l’eau (l’eau sert à étourdir les fourmis) et on enlève les feuilles et autres débris tombés dans le sceau. Les fourmis ne sont qu’étourdies. Si on les laisse dans un lieu sec, au bout de quelques minutes, elles reviennent à elles et se remettent à ramper.
La façon le plus simple de consommer fourmis et œufs est de les manger tels quels, crus, sans autre préparation. Une autre façon de les déguster consiste à les faire griller à sec dans une poêle, assaisonnés d’un peu de sel. On peut aussi les préparer en sauté, avec des légumes. On peut encore se contenter de les faire sauter avec du sel et de la ciboulette.
On peut aussi en faire des « pickles » ou les mêler avec d’autres ingrédients. Les fourmis peuvent être hachées avec du prahok cru, de la citronnelle, du galanga, des herbes aromatiques et du piment. Fourmis et œufs peuvent encore entrer dans la composition d’une soupe parfumée aux fourmis.
Dans la région d’Angkor, on prépare un plat particulier appelé « khâp » (ខ្នប់). Pour ce plat, on enveloppe les fourmis, les œufs et les ingrédients aromatiques dans une feuille de bananier que l’on fait rôtir sur des braises. Aux parfums des ingrédients aromatiques s’ajoute celui de la feuille de bananier.
(Les informations se rapportant au mode de préparation des plats à base de fourmis viennent d’un article en khmer de la revue Khmerenaissance, disponible ici, intitulé « Les plats cuisinés à partir des fourmis ».)
Ci-dessous, un plat de prahok sauté aux fourmis (la photo vient du site Chanbokeo, ici) :

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