Pour le plaisir : Crème glacée au poivre de Kampot, Made in Karem

Dans mon billet consacré au dîner « Pepper Work » organisé à Phnom Penh par le restaurant Open Wine le 9 octobre 2017 (voir ici), j’avais parlé du dessert qui clôturait brillamment l’évènement : une « crème glacée au poivre noir, sorbet orange sanguine, éclats de chocolat au poivre rouge », spécialement préparé pour l’occasion par l’entreprise Karem. Ce dessert glacé m’a conquis, et j’ai voulu en connaître les détails. J’ai donc demandé au créateur, le talentueux chef pâtissier et glacier belge Éric Proye, de m’en dire un peu plus. Éric a eu l’amitié de bien vouloir me laisser entr’apercevoir le secret de la fabrication de ce délice sucré…
La glace se présentait sous la forme d’une sphère, délicatement posée sur un biscuit, et ornée de morceaux de chocolat. Le sorbet orange sanguine se cachait à l’intérieur de la boule. Je vous propose de passer en revue ces quatre composants principaux, dans l’ordre cité. (Dans la description, entre guillemets, je cite Éric Proye.)
La composition de la crème glacée est des plus classiques : lait, crème, sucre, poudre de lait (qui « apporte de l’extrait sec et donne sa structure à la glace »), jaunes d’œufs, stabilisateur (« 2 % du poids total, qui confère à la glace son côté onctueux, et sert à faire le lien entre les matières grasses et l’eau ») et, bien entendu, le poivre de Kampot, qui peut être noir, blanc ou rouge (en l’occurrence, Éric avait choisi d’utiliser du poivre noir). Le processus de fabrication de la crème est conventionnel. Le poivre, qui sera incorporé avec soin au mélange, doit être pilé avec soin dans un récipient idoine (hors de question d’utiliser un mortier qui a servi à piler d’autres épices aux arômes envahissants, « ce serait dommage que le poivre sente le prahok », précise le chef glacier avec humour) ; le poivre doit être pilé sans excès (« on n’a pas besoin de poudre de poivre »). L’étape essentielle dans la préparation de cette crème glacée est la maturation, qui doit se faire à une température de 4 degrés (« hygiène oblige »), et qui permet aux matières grasses d’absorber les arômes. Cette maturation devra durer 4 heures au minimum, 12 heures de préférence, voire, idéalement, 24 heures. À l’issue de la maturation, le mélange passe à la turbine, et la crème glacée est ainsi façonnée.
Le biscuit était quant à lui une dacquoise à la pistache et aux amandes. « Blanc monté et serré, mélangé à un mélange de sucre et de poudre d’amande, et pâte de pistache pour aromatiser le tout. » Le biscuit ainsi obtenu est intéressant pour les entremets en ce qu’il leur apporte à la fois de la légèreté et un léger croustillant ; de plus, il ne durcit pas trop à la congélation.
Les éclats de chocolat étaient aromatisés au poivre rouge. Le chocolat utilisé est à 75 % de cacao et il est fourni par la société Grand-Place, une entreprise belge qui a monté en 2009 une usine de transformation au Vietnam, dans la province de Bến Tre. Les cabosses poussent au Vietnam et sont traitées sur place. Ce chocolat cochinchinois est intense en goût, très nuancé, exhale des parfums de fruits rouges et porte surtout une légère amertume qui persiste. Le poivre rouge pilé est parsemé avant la cristallisation. « Il est important de bien tempérer le chocolat, » précise Éric, « cela lui donnera son croquant et ralentit la fonte ».
Enfin, étant donné que l’orange sanguine n’est pas cultivée au Cambodge, pour le sorbet qui entrait dans la composition de ce dessert, il a fallu avoir recours à une matière première (purée) importée de France. La recette du sorbet est elle aussi classique.
Un dessert de cet acabit donne envie de se faire poète.
Mais qu’il est doux, quand la saison des pluies s’achève en terre khmère, de laisser ses papilles s’abandonner aux effluves poivrés mêlés à la froidure sucrée d’un entremets de choix…
(La photo ci-dessous est de Steven Gardannec, elle m’a été aimablement fournie par Open Wine.)

oct 02

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