Pour le plaisir : Soupe paysanne khmère (Soupe aux chrach)

Si j’ai parlé ici du légume appelé en khmer « chrach » (Monochoria vaginalis), c’est parce qu’il jouait le rôle-titre dans une soupe que nous avons découverte il y a quelques jours, souvent préparée par les paysans de la province cambodgienne de Svay Rieng (ស្វាយរៀង), limitrophe du Vietnam. Lorsqu’ils travaillent dans leurs rizières, les paysans de cette province ont l’habitude de ramasser le « chrach » qui pousse en abondance dans les moindres recoins où il y a de l’eau. Ils attrapent aussi petits poissons d’eau douce et crabes de rizière, et confectionnent avec ces simples ingrédients une soupe de la grande famille khmère des soupes aigres (« sâmlâ mchur »), appelée tout simplement « soupe aigre au chrach » : សម្លម្ជូរច្រាច់.
Cette soupe est préparée presque exclusivement dans la province de Svay Rieng car, m’a expliqué ma cuisinière, le climat de cette province étant plutôt chaud, on a du mal à y faire pousser des légumes. A contrario, le « chrach » n’est habituellement pas consommé par les Khmers habitant les autres provinces, au climat plus clément.
Pour préparer cette soupe, on commence par réserver les pinces des crabes de rizière, puis on pilonne les autres parties du corps. (Notons que les crabes de rizière sont souvent consommés non pas frais, mais après un séjour de quelques jours dans une saumure.) Les plus délicats filtrent la masse obtenu après pilonnage, afin d’écarter les particules de l’exosquelette de l’animal, et ne conserver que les sucs de l’animal, qui sont ajoutés au bouillon en même temps que les pinces. Les petits poissons, savoureux mais plein d’arêtes, sont vidés, étêtés et dûment nettoyés, avant d’être mis à cuire dans le bouillon. Les tiges de « chrach » sont bien entendues nettoyés à l’eau claire, puis sont aussi blanchies à l’eau salée avant d’être intégrées à la soupe. Elles ont un goût que je qualifierais volontiers « d’herbeux ».
Dans cette préparation, le luxe consiste à ajouter, en plus des poissons et des crabes, de petites crevettes d’eau douce appelées en khmer « kâmpeus » (កំពឹស), dont je n’ai pas réussi encore à déterminer s’il s’agissait vraiment de « bébés crevettes » comme semblent le dire les dictionnaires, où d’une espèce particulièrement petite de ces crustacés, qui sont plus petits que ce que nous appelons les « crevettes grises ».
(Ces petites crevettes ne sont jamais consommées crues ; elles entrent dans la composition de certaines soupes, mais elles peuvent être sautées à l’huile et accompagnées d’un assaisonnement tout simple de sel, éventuellement d’un peu de gingembre, pour être croquées entières, carapace, tête et antennes comprises. On peut aussi en faire de délicieux beignets.)
Voici le bol de soupe aigre au chrach, qui fut déposé sur notre table lors du déjeuner du 2 novembre 2013 :
samla mchur chrach (3)

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