Il y a quelques jours, Saroeung, notre cuisinière, revenait du marché avec les yeux pétillants de joie : « J’ai trouvé du « chrach » au marché ! », m’annonce-t-elle, avec une pointe d’excitation non dissimulée dans la voix ! « Chrach ? Connais pas », lui répondis-je. « C’est une plante aquatique », précise-t-elle. Et de lui demander l’orthographe khmère de la « bête » : ច្រាច់. Muni de ce nom dûment inscrit sur un bout de papier, je vais récupérer dans ma bibliothèque, section « livres de référence », le Dictionnaire des Plantes utilisées au Cambodge de Madame Dy Phon, et cherche le nom dans l’index alphabétique en khmer…
ច្រាច់ = Monochoria vaginalis.
Voici ce Pauline Dy Phon de ce végétal, à la page 447 de son indispensable dictionnaire : Appelé en anglais « oval-leaf pondweed » (je n’ai trouvé aucun nom vernaculaire français), le « chrach » est une « herbe aquatique, haute de 5-35 cm, originaire probablement de l’Inde, introduite en Chine, au Japon, dans les îles Fiji et au Nord de l’Australie. Actuellement, la plante est naturalisée en Amérique et même en Europe (Italie). On la cultive souvent comme ornementale. Au Cambodge, cette espèce entre dans l’alimentation… Les feuilles peuvent être consommées crues en légumes. Le fus extrait des feuilles s’emploie en pharmacopée contre la toux. »
À partir de ce point de départ, je poursuis mes recherches sur Internet, dans un premier temps sur le site de l’USDA (United States Department of Agriculture, le Ministère de l’Agriculture des États-Unis d’Amérique), sur le site duquel une carte montre que ce végétal est présent sur la partie méridionale de la côte Ouest des États-Unis. L’USDA dit qu’il s’agit d’une herbe nocive (parce qu’envahissante).
Wikipedia ne propose pas d’article en français relatif à Monochoria vaginalis, mais propose un article en anglais (ici) qui explique qu’il s’agit d’une plante invasive, très présente dans les rizières et autres cours d’eau, lacs et étangs. L’article de Wikipedia ne donne cependant aucune information quant aux usages possibles de ce végétal.
Le site Ecocrop de la FAO précise que cette plante est présente en Asie du Sud et de l’ensemble de l’Asie du Sud-Est. La page consacrée à Monochoria vaginalis explique encore que ses feuilles et ses tiges peuvent être cuisinées, et que ses inflorescences peuvent être consommées crues.
C’est finalement la page que l’encyclopédie chinoise en ligne Baidu consacre à ce végétal (appelé en chinois « herbe en langue de canard » : 鸭舌草 [yāshécǎo]) qui donne les informations les plus complètes : citée pour la première fois dans un ouvrage de pharmacopée du VIIème siècle de notre ère, cette plante, qui, d’après la médecine chinoise, est de nature fraîche et de saveur amère, a pour vertus d’apaiser les chaleurs et de désintoxiquer. Elle peut avoir un usage interne (bouillie dans de l’eau ou réduite en jus), ou externe (en cataplasme, après avoir été pilonnée).
En gastronomie khmère, Monochoria vaginalis est surtout consommée par les paysans de la province de Svay Rieng, car cette province, l’une des plus chaudes du pays, produit peu de légumes. Les tiges de la plante sont blanchies dans de l’eau salée, et hachées, et entrent dans la composition d’une souple aigre connue sous le nom de « sâmlâ mchur chrach » (សម្លម្ជូរច្រាច់, littéralement « soupe aigre au chrach), dont nous parlerons dans un futur très proche.
Ci-dessous : photo des bottes de tiges de Monochoria vaginalis ramenées d’un marché de Phnom Penh par notre cuisinière il y a quelques jours.
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