Pour le plaisir : Grillades laotiennes

Le 26 décembre 2012 au soir, à la veille de notre retour à Phnom Penh, nous avons voulu aller explorer le marché de nuit installé sur la rive occidentale du Mékong, moi ayant dans l’idée de m’y restaurer des spécialités locales. Mais, comme cela a été dit précédemment, ce marché de nuit n’est rien d’autre qu’un marché à touristes, vendant à prix d’or objets d’artisanat et peintures de plus ou moins bon goût. Nous avons donc dû nous rabattre, à la dernière minute, sur l’un des restaurants installés non loin. N’ayant pris aucune information préalable relative aux établissements de bouche implantés en ces lieux, c’est presque au hasard que nous avons choisi celui qui nous semblait être le plus plein de promesses : nous avons patienté quelques instants, le temps que se libère une table de la terrasse du restaurant le plus achalandé, alléchés que nous étions aussi par le vue des grils fumants, porteurs de toutes les espérances.
Pendant que je me concentrais sur la carte (volumineuse) de l’établissement en question (dont, pris dans le feu de l’action, je n’ai malheureusement pas retenu le nom), ma jolie moitié se laissait pour sa part guider par ses pas, son odorat et sa vision de lynx, pour jeter un coup d’œil nonchalant au gril installé en plein air. Je choisis sur la carte la salade de papaye convoitée de longue date (dont j’ai parlé ici) et une soupe de poisson « à la thaïe » (correcte), tandis que madame jetait son dévolu sur un calmar et une portion de canard, grillés tous deux.
J’avais évoqué l’importance de la grillade dans la cuisine laotienne. J’avais saisi cette importance à la lecture des différents documents de référence consultés avant le départ, et mes papilles gustatives me confirmèrent en cette soirée du 26 décembre 2012 qu’effectivement, les cuisiniers du cru ont atteint dans l’art de la grillade une maîtrise que j’ai rarement vue ailleurs.
Il faut savoir qu’ici, tout ou presque se grille. La variété des ingrédients prêts à être sacrifiés sur l’autel grillagé rougi par la chaleur du charbon de bois incandescent est impressionnante. Sur la photo ci-dessous, prise à la dérobée par ma douce compagne, vous pourrez par exemple reconnaître : grosses crevettes, ailes de gallinacées, cœurs du même genre, poissons, coquillages, travers de porc, petites saucisses sphéroïdes, calmars, ventrèche, pâtés impériaux pré-frits… Il doit falloir un bon mois pour tout goûter.

grillades laotiennes_02Mais revenons-en à nos grillades sélectionnées !
Qu’il soit à l’orange, rôti, laqué, bardé, débité en magrets ou en aiguillettes, ou même confit, le volatile du genre Anas ou Aix ne m’est culinairement pas indifférents. J’avais cependant un doute sur la version grillée, m’imaginant que l’on nous servirait une chair constituant un réel défi pour la solidité de nos dentitions respectives. Mais mes doutes furent heureusement levés dès la première bouchée. Jamais je n’aurais imaginé que l’animal pût offrir, dans sa version grillée, une chair aussi tendre ! La peau de l’animal n’était certes pas aussi croustillante que celle de son cousin pékinois, mais elle rendait tout de même sous la dent un croquant fort agréable. Parfaitement salé, l’ensemble me laissa cependant un regret : celui ne pas avoir commandé une double portion… Je vous propose ci-dessous un instantané de la merveille.

canard grille_01La chair du calmar, quant à elle, offrit également une tendreté rare. À Kep, dans le sud du Cambodge, sur le Golfe de Siam, nous nous étions également laissé séduire par deux ou trois de ces mollusques grillés sur du charbon de bois. Les parfums ne nous avaient en rien déçus, mais la texture un peu trop ferme nous avait laissé une impression d’imperfection bien regrettable, comme une belle qui serait atteint d’un strabisme divergent, si vous voulez. À Vientiane, en revanche, le calmar se voit cuisiner au gril avec une perfection rare. Cuit à point mais point trop, le mollusque semble avoir été conçu de façon à n’opposer aucune résistance, même aux mâchoires les plus débiles, malgré l’épaisseur respectable (pas loin d’approcher la dizaine de millimètres) de la paroi de sa coiffe. Sur la photo ci-dessous qui présente le centre de notre table chargée des mets composants le dîner, il trône à la place qui lui revient de droit : au centre…

lao_calmar grille

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6 commentaires pour Pour le plaisir : Grillades laotiennes

  1. Avez-vous connaissance de restaurants offrant cette diversité et cette qualité de cuisine à Paris ?

    • pascalkh dit :

      J’ai quitté Paris il y a exactement 12 ans, alors je ne suis plus vraiment à la page pour ce qui est des restaurants asiatiques locaux.
      Mais je me souviens d’un établissement appelé Tricotin, dans le XIIIème, proposant de la cuisine sino-cambodgienne dont j’ai un assez bon souvenir.
      Je ne connais pas de restauration laotien à Paris…

    • Alex Gastronome Parisien dit :

      Il faut considérer de manière générale que le niveau de la cuisine asiatique à Paris est vraiment médiocre dans sa qualité et surtout dans sa diversité. Il existe malgré tout quelques restaurants valables où l’on peut trouver du plaisir à manger quelques plats bien précis mais ça en reste là. Pour le laotien, tu peux essayer le Lao Lane Xang qui est de bonne qualité et qui fait mi Thaï mi Laotien et propose quelques bons plats laotiens.

      • pascalkh dit :

        Je serais tout à fait d’accord sur le niveau de qualité de la cuisine asiatique, sauf cependant si on compare les restaurants chinois de Paris et ceux de Chine, qui sont très souvent très, très médiocre.
        Cela fait beaucoup « rire » les Chinois quand on leur dit qu’on mange mieux chinois à Paris qu’en Chine, mais c’est souvent vrai.
        En revanche, on mange très, très bien chinois à Hong-Kong, Macao ou Taiwan… et dans quelques restaurants de Chine.
        Merci pour les infos concernant les restaus de cuisine laotienne à Paris !

  2. Alex Gastronome Parisien dit :

    lol, tu n’as pas tord. Je suis d’accord avec toi sur le fait que dans certains coins de Chine il est difficile de bien manger. Enfin je pense surtout qu’ils ne savent faire que la cuisine de leur région. Ça m’a paru flagrant au Nord de la Chine typiquement. Après ce n’est pas moi qui dirait le contraire, à Hong Kong on mange divinement bien chinois dans toute sa diversité, qu’il s’agisse de la cuisine cantonaise, shanghaïenne, pékinoise, du Sichuan, Hakka, de Hangzhou, Chiuchow et j’en passe 🙂
    Pour revenir à Paris, ça a tendance de l’avis général à beaucoup se dégrader ces dernières années. La raison est simple. Tous les migrants des années 70 partent à la retraite sans avoir transmis leur savoir. Eux savaient faire de la cuisine authentique mais ils cèdent aujourd’hui leurs restaurants, traiteurs aux dernières vagues migrantes et notamment les populations venues de Wenzhou, à mon avis beaucoup moins gastronomes et dont la cuisine est avant tout une source de revenu plus qu’une véritable passion.

    • pascalkh dit :

      C’est peut-être l’explication, mais je crois que la plupart des restaurateurs chinois des années 1970 n’était pas chinois, mais venaient plutôt des pays de l’ancienne Indochine.
      Je suis allé une fois à Wenzhou. Je me souviens d’un excellent dîner dans le restaurant… italien d’un grand hôtel.
      En revanche, j’ai mangé quelques fois de la cuisine wenzhoulaise à Paris (dans le quartier des Halles), et j’en conserve un souvenir ému. Les 敲鱼面 et 敲虾面, soupes de nouilles au poisson/aux crevettes « frappé(es » étaient à tomber par terre !
      Il s’agit, sur une planche, de taper fort et longtemps sur du poisson ou de la crevette, en ajoutant de temps à autre de la farine. J’en avais parlé à un ami cuisinier chinois, qui m’avait dit que c’était une opération délicate et m’avait conseillé de commencer à m’entraîner avec du blanc de poulet. On découpe le poulet en très fines lamelles, et on tape sur les lamelles (avec une bouteille, par exemple) en ajoutant de la farine de blé. On a au final des lamelles fermes, que l’on peut faire frire, ou utiliser dans une soupe de nouilles. J’ai été assez fier du résultat !
      Il y a beaucoup de fruits de mer à Wenzhou (qui est une ville côtière), et si la ville n’était pas aussi laide, j’irais bien y faire un séjour gastronomique…

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