Ingrédients (12) : Écrevisse (小龙虾)

Sricto sensu, l’écrevisse n’est pas un ingrédient traditionnel de la cuisine chinoise, ni même d’aucune autre cuisine asiatique. En effet, ce crustacé a été accidentellement introduit en Chine à partir d’Amérique du Nord. Mais il bénéficie, depuis le début des années 2000, d’une telle ferveur en Chine qu’il mérite tout à fait sa place sur Sinogastronomie.
L’écrevisse dont il est fait une large consommation dans toute la Chine est celle de l’espèce Procambarus clarkii, ou écrevisse de Louisiane (dont le nom chinois officiel est 克氏原螯虾 kèshì yuánáoxiā, même si elle surtout connue sous le nom de 小龙虾 xiǎolóngxiā, littéralement « petite langouste »). Elle est originaire du sud des Etats-Unis, et a été introduite en Chine accidentellement, probablement au début du XXème siècle, par les navires marchands venant d’Amérique du Nord. La Chine et les Etats-Unis sont aujourd’hui les seuls pays du monde où l’écrevisse fait l’objet d’un élevage intensif, même si ce crustacé est présent à peu près partout dans le monde. Une discussion avec un ami taïwanais m’a appris qu’elle était aussi présente dans les cours d’eau de Formose, mais que, mal considérée, elle n’arrivait presque jamais sur la table des autochtones.
Si la consommation massive d’écrevisses en Chine est récente (elle a réellement commencé vers l’année 2002), ce crustacé que l’on trouve à l’état sauvage dans les lacs et cours d’eau (l’écrevisse est un animal d’eau douce) fait depuis longtemps l’objet d’une pêche de « loisirs » : les enfants chinois s’amusent à attraper les écrevisses sauvages dans les ruisseaux et les ramènent à la maison où elles sont cuisinées.
L’engouement pour l’écrevisse a connu en Chine un essor considérablement depuis moins de dix ans. Pendant la saison de l’écrevisse (essentiellement entre juin et fin-août, début-septembre), de très nombreux restaurants ornent leur devanture de grands autocollants représentant le crustacé, et ajoutent à leur carte des mets réalisés à partir de cet animal.
Les écrevisses peuvent être préparées en Chine de multiples façons, les plats les plus souvent rencontrés étant : écrevisses aux treize parfums (十三香小龙虾 shísānxiāng xiǎolóngxiā, plat plutôt pimenté, originaire de la région du Jiangsu), écrevisses en sauce rouge (红烧小龙虾 hóngshāo xiǎolóngxiā), écrevisses poivre et sel (椒盐小龙虾 jiāoyán xiǎolóngxiā), écrevisses pimentées (麻小 máxiǎo, abréviation de 麻辣小龙虾 málà xiǎolóngxiā, plat pimenté d’inspiration sichuanaise en vogue à Pékin), écrevisses parfumées et pimentées (香辣小龙虾 xiānglà xiǎolóngxiā), ou encore les boulettes d’écrevisses (虾球 xiāqiú, une spécialité de la ville de Wuhan, spécialité que je ne connais que de nom).
Les écrevisses les plus renommées de Chine sont celles qui proviennent du district de Xuyi (盱眙  xūyí), dans le nord de la province du Jiangsu, sur la rive méridionale du lac Hongze. Depuis 2001, est même organisée dans le chef-lieu du district la « Fête chinoise de l’écrevisse » (中国龙虾节 zhōngguó lóngxiājié). A l’occasion de cette fête annuelle qui se tient en été (en général en juin ou juillet) se tient un concours gastronomique fameux, dans lequel l’écrevisse joue bien entendu le rôle principal.
Les écrevisses de Xuyi sont renommées pour leur grande taille, leur élevage dit « écologique » et la finesse de leur chair. Ce sont aussi les plus chères, et il n’est pas rare qu’un plat de ces écrevisses se vende plus de 10 voire 15 euros dans les restaurants.
Certains restaurants se sont d’ailleurs spécialisés dans cet ingrédient, et les « écrevisses de Yang le quatrième » (杨四小龙虾 yángsì xiǎolóngxiā, présent à Suzhou, par exemple), « roi barbu des écrevisses » (大胡子龙虾王 dàhúzi lóngxiāwang, à Shanghai) et autres restaurants ou chaînes de restauration aux enseignes évocatrices ont poussé comme des champignons dans toutes les villes chinoises.
Si l’astacologie (science qui étudie les écrevisses) vous intéresse, je vous invite à aller visiter ici le site de l’Association Internationale d’Astacologie (en anglais International Association of Astacology, ou IAA).
Si c’est l’écrevisse de Louisiane qui vous intéresse plus particulièrement, n’hésitez pas à aller consulter la page que la FAO lui consacre (en français, anglais ou chinois), ou encore, sur Baidu (en chinois) les pages consacrées à l’écrevisse (ici) et à la fête chinoise de l’écrevisse (ici).
Ci-dessous, la photo de l’une des écrevisses achetées le 22 août 2010 (au prix de 3 euros le kg, mais elles ne viennent pas de Xuyi) dans un marché de Suzhou, et qui fut sacrifiée façon « poivre et sel » le soir même.

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