Escapade gourmande à Pékin (1) : Le canard laqué de Pékin (gastronomie traditionnelle, première partie)

Comme tous les ans, nous avons profité des vacances d’été pour venir nous ressourcer un peu en Chine continentale. Cette année, j’avais promis à mon épouse et à mon benjamin de les amener à Pékin, ville que j’ai déjà visitée à de multiples reprises, mais que ni mon garnement ni ma tendre moitié ne connaissaient. Cette petite escapade d’une semaine fut bien entendu l’occasion d’agapes nombreuses variées, dont je me propose de relater quelques épisodes dans cette nouvelle série que j’appelle, en ayant une pensée attendrie pour Jean-Luc Petitrenaud, « Escapade gourmande à Pékin ».
Et pour inaugurer cette série, je vous propose de présenter le must du must de la cuisine pékinoise pour touristes : le « canard laqué de Pékin ».
Avant tout, une petite mise au point s’impose, à mon humble avis. Je suppose que l’adjectif « laqué » utilisé dans l’appellation française veut décrire le croustillant, aussi bien visuel que de texture, de la peau de l’animal tel qu’elle est servie. En chinois, cependant, on dit tout simplement « canard rôti de Pékin » : 北京烤鸭 [běijīng kǎoyā], ou encore 北平烤鸭 [běipíng kǎoyā], du nom de Beiping 北平 [běipíng] qu’avait Pékin à l’époque de la République (1911-1949), où la capitale de la Chine ne se trouvait pas au Nord (Beijing, qui est la transcription utilisée aujourd’hui pour le nom de la capitale chinois au lieu de « Pékin », signifie d’ailleurs en chinois « capitale du Nord »), mais dans la ville de Nankin (南京 [nánjīnbg], qui signifie « capitale du Sud »).
Je range ce mets dans la catégorie « gastronomie traditionnelle », car il s’agit du plat le plus pékinois que tout le monde connaisse, qu’il s’agisse des Chinois non pékinois, ou des touristes, occidentaux, japonais ou autres.
De plus, on trouve les premières traces de ce « canard rôti » à l’époque des Dynasties du Nord et du Sud (南北朝 [nánběicháo], 420-589 de notre ère). Un texte de cette époque parle de « canard rôti » (炙鸭 [zhìyā]). Ce plat était à l’origine préparé dans les cuisines du palais impérial et destiné à l’empereur.
Pour préparer ce canard rôti, il faut utiliser une variété de canard particulière, appelée « canard de Pékin » (北京鸭 [běijīngyā]), originaire de la « colline de la source de jade » (玉泉山 [yùquánshān]), située à l’ouest du Palais d’été. Cette espèce a pour particularités de croître rapidement, et d’engraisser facilement. Le bon engraissement du canard est en effet essentiel pour la préparation de ce plat. La bête se caractérise également par son pelage blanc immaculé. Aujourd’hui, le « canard de Pékin » est élevé partout en Chine et, paraît-il, dans de nombreux autres pays.
Ci-dessous, un élevage de canards de Pékin.
La croissance rapide et le bon engraissement du canard est due à un élevage par gavage. Le foie de l’animal est également apprécié par les gastronomes chinois. D’ailleurs, appellent le canard laqué « canard gavé de Pékin » (北京填鸭 [běijīng tiányā]).
La préparation du canard laqué est un processus assez complexe. Voici l’une des méthodes décrites sur Internet. D’autres méthodes de préparation existent qui varient légèrement, mais le principe est toujours le même.
1. Il faut choisir un canard ayant atteint un poids d’environ 2,5 à 3 kg. Le canard est égorgé et vidé de son sang. Pour plumer l’animal, on le plonge pendant environ trois minutes dans de l’eau à 55~60ºC. Cela permet de débarrasser le canard de ses plumes sans trop de difficulté, et surtout sans abîmer sa peau. Une incision est ensuite pratiquée au-dessus du point d’attache de l’aile et les organes internes sont rapidement extraits. Les extrémités des pattes et des ailes sont coupées et écartées. L’animal est soigneusement brossé et rincé, à l’intérieur et à l’extérieur.
2. Il faut ensuite donner sa couleur à la peau de la bête. Pour cela, le canard entier est plongé à plusieurs reprises dans du sirop de maltose (constitué d’une portion de maltose pour six à sept portions d’eau).
3. Le canard est ensuite accroché et laisser à sécher dans un endroit froid et aéré, pendant 24 heures au printemps et en automne, quatre à six heures en été. Le but est de permettre à la peau de bien s’assécher.
4. Le canard est ensuite rôti. L’anus de la bête est bouché à l’aide d’un bouchon, de façon à ce que les sucs ne s’échappent pas. Le corps du volatile est rempli d’eau bouillante introduite par l’incision mentionnée ci-dessus. On repasse une couche de sirop de maltose sur la peau, et on met le canard à rôtir, suspendu, dans un four spécialement construit. Le combustible utilisé est de préférence du bois de jujubier ; à défaut, on utilise du bois de poirier, d’abricotier ou de prunier. On contrôle la température du four pour qu’elle reste comprise entre 250 et 300ºC. Pendant la cuisson, en fonction de la couleur que prend la peau, on peut ajuster la position du canard dans le four. La cuisson dure une trentaine de minutes.
Ci-dessous, un four à canard laqué tel qu’on peut en voir sur les marchés chinois.
5. Enfin, lorsque le canard est cuit et sorti du four, on passe sur la peau une couche d’huile de sésame, qui apporte un brillant supplémentaire à la bête.
Reste ensuite à découper la bestiole et à la déguster. C’est ce que nous verrons au prochain épisode.
Ci-dessous, des canards cuits dans un four tel qu’illustré ci-dessus.
(Toutes les photos utilisées dans ce billet viennent de l’Internet chinois.)

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2 commentaires pour Escapade gourmande à Pékin (1) : Le canard laqué de Pékin (gastronomie traditionnelle, première partie)

  1. Paul Henry Pistol dit :

    Merci pour tout ces renseignements,
    Un plat que nous faisons souvent mais qui n’égal jamais celui de Pékin.
    l’ai enfin la recette du laquage!!
    Chantal.

  2. Jérôme Braure dit :

    Je confirme pour ce qui est d’avoir des canards de race Pékin en Amériques du Nord, voir les fermes: Canard du Lac Brome situé au Québec

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