Pour le plaisir : Pieds de porc en gelée à la mode de Zhenjiang (肴肉)

D’un récent séjour en Chine, mon épouse a eu l’excellente idée de nous ramener à Phnom Penh une spécialité de la ville de Zhenjiang (dans la province du Jiangsu), bien connue et appréciée dans toute la région du Jiangnan, j’ai nommé le « yaorou » (肴肉 [yáoròu]), ou « shuijing yaorou » (水晶肴肉 [shuǐjīng yáoròu]), dont la meilleure traduction que je sois en mesure de trouver en français est « pied de porc en gelée à la mode de Zhenjiang ». (Notez que certains Chinois disent « xiaorou », au lieu de « yaorou », mais c’est un régionalisme, qui est fautif au regard du chinois standard.)
Pour préparer ce plat, on utilise exclusivement des pieds des pattes avant du cochon. La petite histoire raconte que c’est un restaurateur qui tenait le restaurant Jingkou (京口酒家 [jīngkǒu jiǔjiā]) à Zhenjiang qui fut à l’origine de ce plat. Le restaurateur en question vit un jour au marché que les pieds de porc étaient bon marché, aussi en acheta-t-il quatre. Il voulait les cuisiner quelques jours plus tard, mais comme il faisait chaud et qu’il avait peur que les pieds ne se gâtent, il décida de les conserver dans du sel. Par inadvertance, au lieu de verser du sel sur les pieds, il versa du salpêtre, que son beau-père lui avait amené pour confectionner des pétards. Il se rendit compte le lendemain de son erreur, et ouvrit le pot qui contenait les pieds, s’attendant au pire. Mais il se rendit compte que non seulement la viande n’avait pas été abîmée, mais qu’elle s’était en quelque sorte coagulée, que la peau était devenue blanche, et que la chair avait pris une belle teinte rosée. Ne voulant pas gâcher la marchandise, mais craignant tout de même de s’empoisonner, il décida de rincer soigneusement les pieds, et de les faire bouillir à l’eau à plusieurs reprises, afin de bien éliminer le salpêtre. Il pensa à ajouter à la dernière cuisson du « cinq épices », et la préparation se mit à dégager un parfum irrésistible. La dégustation fut bien entendu babylonienne, le restaurateur reproduisit la recette à partir de ce jour, et fit fortune grâce à son restaurant. La recette est restée à peu près inchangée jusqu’à nos jours.
Une fois longuement cuits, les pieds sont désossés, on place au fond d’un moule une couche de peau, puis la chair, et on recouvre le tout d’une autre couche de peau. On place une planche sur la préparation, et un poids sur la planche, de façon à bien façonner l’ensemble. On laisse refroidir pour laisser à la préparation de se coaguler, et on conserve au frais. On a au final un bloc quadrangulaire que l’on débite en tranches, traditionnellement assez épaisses (environ 1 cm d’épaisseur).
Le pied de porc en gelée à la mode de Zhenjiang se déguste le plus souvent froid, et constitue un plat de viande au cours d’un repas. Mais il peut aussi agrémenter agréable un petit déjeuner de bouillie de riz ou de nouilles.
Si vous voulez tout savoir sur cette spécialité, je vous invite à lire ici le billet qu’y consacre l’encyclopédie chinoise en ligne Baidu.
(Notez en passant que la cuisine traditionnelle de Zhenjiang est l’une des variantes de la gastronomie du Huaiyang, dont Sinoiseries a déjà abondamment parlé. Voir ici le billet d’introduction de la longue série que nous avons consacrée à cette gastronomie.)
Ci-dessous, la photo de la moitié de notre portion de « yaorou », qui n’a pas fait long feu…
yaorou_02

Cet article, publié dans Cuisine chinoise, est tagué , , , , , , , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

2 commentaires pour Pour le plaisir : Pieds de porc en gelée à la mode de Zhenjiang (肴肉)

  1. Chantal Pistol dit :

    Je salive déjà devant ce plat que je n’aurais pas de mal à réaliser.
    Dans le Tarn le porc et le canard sont roi.
    Nous faisons nous même notre charcuterie,alors cette recette de porc me semble assez simple à faire en suivant vos précieux conseils.
    Chantal.

Laisser un commentaire