Pour le plaisir : Faux fugu en sauce rouge (红色鲃鱼)

Les habitués de Sinogastronomie se doutent sous doute que si j’ai parlé il y a peu du « faux fugu » chinois (鲃鱼 bāyú, voir ici), ce n’est pas vraiment par hasard.
En effet, à l’occasion d’un tout récent séjour dans la ville chinoise de Suzhou (pas très loin de Shanghai), j’ai eu l’occasion de goûter une nouvelle fois à une spécialité locale : le poisson ba en sauce rouge (en chinois 红烧鲃鱼 hóngshāo bāyú).
La cuisson que j’appelle « en sauce rouge » (en chinois, ça se dit 红烧 hóngshāo, littéralement « cuire en rouge ») est une technique de préparation chinois très courante. Tous les aliments carnés ou presque peuvent se cuire en sauce rouge : poulet, porc, bœuf, chien, chèvre, mouton, poissons… Même s’il existe des variantes d’une recette à l’autre, le principe reste souvent le même : wok chaud, filet d’huile plus ou moins généreux, tranches de gingembre sautées dans l’huile chaude, aliment d’abord saisi, puis arrosé d’alcool (« vin jaune » en Chine continentale, plus souvent alcool blanc à Taïwan) et de sauce de soja, sucre (en plus au moins grande quantité selon les régions), eau, et cuisson sur une durée qui varie selon l’ingrédient principal, mais qui est en général assez longue. La couleur brune rougeâtre, qui donne son nom à la préparation, est bien entendu apportée par la sauce de soja.
Les habitants de Suzhou sont connus pour avoir la dent sucrée, et les plats en sauce rouge préparés localement n’échappent pas à cette règle. Il n’est d’ailleurs pas rare d’entendre les habitants des autres régions de Chine se plaindre de l’impossibilité de trouver un plat salé à souhait dans les restaurants locaux. Mon faux fugu n’échappe à cette règle : même s’il s’agit d’un plat de poisson, la note sucrée est très nettement perceptible.
Le foie du faux fugu jouissant en Chine d’une réputation de grande finesse, le cuisinier qui a préparé ce poisson a pris le soin de ne pas l’écarter, et de le placer bien en vue sur le poisson, coupé en rondelles, dans la présentation du plat. La consommation du foie du vrai fugu japonais serait bien entendu hors de question, car c’est entre autres dans le foie que l’on trouve la toxine mortelle !
Le faux fugu a la particularité d’avoir une peau dépourvue d’écailles, mais cependant rugueuse. Sur la photo ci-dessous, c’est cette peau retournée qui semble, sur la droite, faire comme une couverture, recouvrant la tête. Les vrais connaisseurs (dont je ne suis pas) enroulent la peau autour de leurs baguettes, la face intérieure de la peau étant tournée vers l’extérieur, pour l’avaler sans la mâcher, de façon à ne pas ressentir la rugosité de la face extérieure.
Le poisson entier me fut présenté sur un lit de cresson de fontaine simplement cuit à l’eau, et nappé de la sauce rouge épaisse. L’épaisseur de la sauce doit normalement provenir de la cuisson lente, mais il n’est pas rare que, par facilité, l’épaississement soit provoqué artificiellement par le cuisinier, qui aura ajouté à la sauce de la fécule de pomme de terre diluée dans l’eau.
La chair du poisson est d’une blancheur immaculée, et son goût d’une grande finesse. Lors de la dégustation, n’hésitez pas à surmonter l’appréhension que vous pourriez avoir, et n’écartez pas la tête : la chair qui enrobe les mâchoires inférieures et constitue les joues du poisson est excellente.
Je doute que vous trouviez ce plat ailleurs que dans la ville de Suzhou ou dans sa région immédiate, alors si vous ne prévoyez pas d’y voyager, vous devrez sans doute vous contenter de la photo ci-dessous, prise à l’occasion du déjeuner consommé dans un restaurant local le 29 novembre 2012.
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3 commentaires pour Pour le plaisir : Faux fugu en sauce rouge (红色鲃鱼)

  1. Jess dit :

    Bel article! La cuisine chinoise est d’une telle richesse que toutes les précisions sont les bienvenues 🙂
    Ce plat serait probablement plus à mon gout avec un peu de doubanjiang ^^ (j’suis plutôt un bec salé)

    • pascalkh dit :

      Du doubanjiang avec le faux fugu ? L’idée ne m’a jamais effleuré.
      Je ne suis pas sûr que la vigueur de cette sauce pimentée aux fèves soit bien adaptée à la délicatesse de la chair de la bestiole. Mais peut-être suis-je un tantinet trop conservateur ? 🙂

      • Jess dit :

        alors un peu d’huile pimentée? ^^ J’apprécie la délicatesse de la cuisine de Shanghai (et de sa région) mais elle est un peu trop douce à mon goût. Un peu de piment frais ne ferait pas de mal 🙂 Mais étant conservatrice également, je pense qu’il ne faut pas toucher aux classiques 😀

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