J’avais déjà repéré (et même goûté) dans un restaurant de Suzhou un crustacé inhabituel à mes yeux de Gaulois, ressemblant vaguement à une crevette aplatie, bizarrement appelé en Chine « crevette pipi » (皮皮虾 pípíxià) (on la connaît aussi sous d’autres noms chinois : 赖尿虾 làiniàoxiā, 螳螂虾 tánglángxiā – crevette mante, 爬虾 páxiā – crevette à plat ventre, ou encore 虾蛄 xiāgū : crevette criquet). Malgré son nom français, cette bestiole n’est apparentée ni à la crevette, ni à la mante religieuse. Le nom français (qui me semble venir de l’appellation vernaculaire anglais « mantis shrimp ») (on dit aussi en anglais « sea locust ») me convient cependant, puisqu’il fait penser à l’aspect général qui est celui d’une crevette, et à la paire de mandibules effrayantes, en forme de couteau à charnière, semblables à celles dont se servent les mantes à attraper leurs proies. En français, on connaît aussi cet animal sous le nom de « mante de mer ».
Sous ce nom sont regroupées en fait plusieurs espèces : Harpiosquilla raphidae, qui est l’espèce la plus grande (elle peut atteindre la longueur de 25 cm), Harpiosquilla harpax (un peu plus petite) et Oratosquilla nepa. Ces trois espèce sont surtout présentes en Asie du Sud-Est. Les spécimens que j’ai vus en Chine sont beaucoup plus petits (une dizaine de centimètres). J’en ai dégusté sautées à l’ail, comme de vulgaires crevettes, et j’ai vu sur une carte de restaurant qu’on pouvait également les cuisiner à la vapeur.
Alan Davidson, dans son Seafood of South-East Asia, explique qu’en Thaïlande elles sont souvent cuites à l’eau et décortiquées, la chair étant ensuite trempée dans de la sauce de poisson au moment de la dégustation. Mr. Davidson explique encore que cette chair peut être aussi conservée dans de la sauce de poisson, et utilisée par les Chinois pour parfumer de la bouillie de riz. Je soupçonne que Mr. Davidson parlait de Chinois de Thaïlande, car je n’ai jamais eu l’occasion de voir cette façon de préparer la bouillie de riz en Chine.
Pour être tout à fait honnête, je dois avouer que j’ai été très déçu de mes crevettes-mantes achetées à prix d’or au Marché Central de Phnom-Penh le 25 décembre 2011 (en khmer, on les appelle « bângkâng pak » : បង្កងប៉ាក). J’ai voulu les préparer « à la thaïe », en les faisant cuire à l’eau, mais j’ai eu beaucoup de mal à détacher la chair de la coquille (j’avais remarqué le même problème sur mes spécimens chinois). Peut-être est-ce ma technique culinaire qui est défaillante ? Je vérifierai à l’occasion en dégustant au restaurant Yi Sang, qui en a souvent de fraîches dans son vivier, un plat de ces crustacés.
Si le goût de la bestiole ne m’a pas convaincu, je me suis régalé en revanche de son aspect original et de ses terrifiantes mandibules. Jugez plutôt :
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