Ingrédients : Cohana à filet rouge (ត្រីក្រហមព្រុយភាវ)

En mission d’exploration sur le marché traditionnel qui se trouve près de nos pénates, le « marché où l’on abat les bœufs », i.e. le Phsar Kap Ko (ផ្សារកាប់គោ), mon regard est attiré par de jolis petits poissons dotés d’une raie dorsale rouge. J’interroge la vendeuse… « C’est un poisson de mer » me dit-elle. Ma curiosité n’étant pas satisfaite, j’insiste : « OK, mais quel poisson ? » « Un poisson de mer de Sihanoukville ! » L’avenante poissonnière me répond avec un sourire malicieux, ne voulant pas admettre son ignorance. Sa voisine, heureusement, est un peu plus experte : « C’est du poisson rouge ! » (ត្រីក្រហម [trei krå-håm]). Je n’insiste plus, je me résigne, persuadé que c’est cause perdue et que jamais je n’arriverai à identifier la bestiole. Comme on me confirme que la bête est excellente lorsqu’elle est grillée, j’en achète malgré tout une livre (six spécimens), pour 5000 riels (1,25 USD).
La chair est effectivement assez savoureuse. J’avais fait mariner mes poissons partiellement étêtés et vidés avec un peu de sel, de sucre et de bouillon de volaille en poudre. Revenus à la poêle dans un peu d’huile d’olive, ils ont contribué à l’excellence de notre déjeuner du dimanche 16 septembre 2018. J’ai cependant eu le tort de négliger de les agrémenter d’un filet de jus de citron, me semble-t-il.
Mais revenons-en à l’exploration… Touché dans mon orgueil, je décide finalement de consacrer une partie de mon dimanche après-midi à tenter de me renseigner sur mon poisson rouge. C’est finalement dans un document du MAFF (Ministry of Agriculture, Forestry and Fisheries – le Ministère cambodgien de l’agriculture, des forêts et de la pêche) présentant les espèces maritimes du Cambodge que j’en apprends un peu plus sur cet ingrédient iodé. (Pour une présentation sommaire de ce document, voir ici, sur Khmerologie).
D’après le document du MAFF, au Cambodge, on appelle « poissons rouges » neuf poissons du genre Nemipterus. En Français, les poissons de ce genre sont connus sous le nom de « cohanas ». En lisant les descriptions des différentes espèces dans le volume 12 du catalogue des espèces de la FAO, volume consacré aux nemiperidés dans le monde (voir ici) , je constate que mon poisson en particulier est un Nemipteridus marginatus, en anglais « red filament threadfin bream » (« cohana à filet rouge »), appelé « palefinned threadfin bream » (cohana à nageoires pâles, qui est la traduction littérale du nom khmer : ត្រីក្រហមព្រុយភាវ) dans le document du MAFF.
Cette espèce possède un intérêt commercial mineur, mais elle est tout de même manifestement pêchée au Cambodge. On la trouve dans le Pacifique ouest, y compris dans la mer de Chine du Sud, dans le détroit de Malacca, dans le Golfe du Siam, etc. Le poisson vit en groupes et se nourrit de petits animaux qui tapissent les fonds marins (l’espèce vit à une profondeur comprise entre 12 et 70 mètres).
Sa taille maximum est de 15 cm, mais la plupart des individus capturés mesurent environ 13 cm. Il s’agit d’un poisson de capture accessoire : il est ramené dans les chaluts en même temps que les autres espèces. D’après le document de la FAO, il est peu apprécié et utilisé essentiellement pour la nourriture des animaux d’élevage.
Il est vrai qu’il contient de petites arêtes en abondance. Cependant, grillé, il constitue un mets tout à fait honorable, nous a-t-il semblé.
Ci-dessous, vue sur le panier de cohanas à filet rouge d’où ont été extraits mes poissons (photo prise sur le marché Phsar Kap Ko le 16 août 2018) :

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