Le 1er octobre 1882, le journal bihebdomadaire La Science culinaire, « Organe officiel de l’union universelle pour le progrès de l’art culinaire », publiait le deuxième épisode de sa série sur les grands cuisiniers (le premier épisode avait été consacré au fameux Marie-Antoine Carême, « le roi des chefs et le chef des rois »), épisode consacré à un chef célèbre de l’époque : Corentin Pacos.
Ce cuisinier semble aujourd’hui oublié, et il est difficile de trouver des informations à son sujet. A l’époque, il devait probablement être un personnage de prime importance dans le cercle de la gastronomie française, puisqu’il occupait le poste apparemment fort prestigieux de « président de l’Académie de Cuisine de Paris ».
Dans son article, La Science culinaire donne la biographie de ce chef respecté.
Né de parents inconnus le 25 avril 1845, recueilli à l’hospice, il fut envoyé en nourrice. Quand il fut en âge de travailler, on lui fit d’abord apprendre la boulangerie, mais cette profession n’avait pas d’attrait pour lui. C’est en travaillant à l’Hôtel de France, à Saintes, qu’il se découvrit une passion pour la cuisine.
Voulant poursuivre dans cette voie, il partit à Bordeaux pour essayer d’y trouver un emploi dans la cuisine d’un restaurant. Après quelques errements, il parvint finalement à se faire embaucher à l’Hôtel de Toulouse pour y entamer un apprentissage de cuisinier. Après dix-huit mois d’étude appliquée, il réussit à se faire admettre en qualité de cuisinier sur un navire en partance pour Batavia (aujourd’hui Jakarta, en Indonésie). Arrivé sur place, il travailla pendant deux mois pour un cuisinier français installé sur place. Il profita de ce séjour pour s’informer sur les ingrédients et les plats de la cuisine indonésienne.
Il revint en France en 1867. Il serait volontiers reparti en voyage, mais ne trouva aucun embarquement. Il prit alors la décision d’aller à Paris. Ses débuts y furent aussi difficiles qu’à Bordeaux. Il travailla d’abord comme cuisinier d’une famille américaine, puis se fit embaucher au Cercle Royal, où on commença à remarquer ses talents.
En 1870, il parvint finalement à se faire admettre comme cuisinier sur un navire en partance pour le Siam. A l’arrivée du navire, le capitaine fit organiser un banquet dont fut chargé Corentin Pacos. Lors de ce banquet furent notamment servis : « nids de salanganes » (nids d’hirondelles), « croustade de riz à la siamoise », « noix de tortue », « filet de buffle à l’indienne », « pointes de bambou à la crème aigre », « pudding de Bangkok »… On rapporte que les convives furent charmés, et que les invités siamois ne tarirent pas d’éloges sur la qualité des mets.
Le séjour au Siam fut de courte durée. Le navire rentré en Europe, Corentin Pacos se mit au service d’Araï Pacha, grand vizir d’Alexandrie. Il suivit son maître à Rome.
De là, repris par le démon du voyage, il embarqua sur un navire qui devait se rendre à Canton. Mais le capitaine décida de ne pas faire escale à Canton et de se rendre directement à Pékin. Corentin Pacos, à peine installé dans l’hôtel qui avait été choisi par le capitaine du navire, alla visiter les cuisines et fit connaissance avec le chef chinois qui y officiait. Ce chef connaissait un peu la France et parlait assez bien le français. Il se prit d’amitié pour Corentin Pacos et lui apprit bien volontiers les techniques de la cuisine chinoise. Le navire reprit ensuite la mer, et après une escale à Canton que Corentin Pacos mit à profit pour poursuivre son étude de la gastronomie de l’Empire du Milieu, rejoignit l’Europe. Débarqué, le cuisinier voyagea abondamment en Espagne et en Angleterre.
Travailleur acharné et curieux insatiable, Pacos prit de nombreuses notes au cours de ses voyages. Ces notes servirent à la rédaction d’un ouvrage intitulé Le Génie culinaire, qui, d’après l’article cité, devait paraître avant 1884. Cette somme encyclopédique comptait plus de 4000 entrées et quelque 2500 pages. Je n’en ai malheureusement trouvé aucune trace. J’ignore donc s’il a réellement été publié. Il n’est pas mentionné sur Gallica, le site de la BNF.
Ci-dessous, le portrait de Corentin Pacos tel qu’il est reproduit en première page du journal La Science culinaire.
PS : Plusieurs numéros de ce journal sont disponibles au téléchargement sur Gallica.
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Très bel article qui m’a permis de découvrir ce grand Monsieur. Chris 06