Ingrédients : Jus de palmier à sucre

Au Cambodge, le palmier à sucre, ou palmier de Palmyre (Borassus flabellifer), appelé « tnaot » (ត្នោត) en khmer, est un élément essentiel de la campagne khmère. Très probablement d’origine indienne, le palmier à sucre est une importante source de revenus complémentaires pour les paysans khmers. On estime à plus de 2 millions le nombre de palmiers à sucre présents au Cambodge, dont au moins un million sont exploités par les campagnards. Le palmier à sucre est si important au Cambodge que le Khmer rouge Pol Pto, quand il voulait délimiter le territoire du sud du Vietnam qui devait être réintégré au Cambodge, prétendait que toutes les régions plantées de palmier à sucre étaient khmères. Zhou Daguan, dans ses célèbres Mémoires sur les coutumes du Cambodge, parle d’un arbre appelé en chinois « guāngláng » (桄榔) servant à produire du sucre. J’ai l’intime conviction qu’il s’agit en réalité du palmier de Palmyre (qui n’est pas connu en Chine), auquel il a attribué par erreur le nom d’un autre type de palmier connu en Chine et servant aussi à produire du sucre.
On dit traditionnellement que dans le palmier, tout y est utile, sauf le bruit du vent dans les palmes. Le palmier à sucre sert en effet à beaucoup de choses : sa sève (le jus) est consommé en boisson, sert à fabriquer du vinaigre et de l’alcool, est la matière première pour la fabrication du sucre de palme, et sert même à confectionner des remèdes traditionnels ; les fruits sont consommés sous diverses formes ; les feuilles servent à tresser divers ustensiles et à couvrir les habitations ; le bois est apprécié en menuiserie ; les fibres servent à fabriquer des cordages.
Sur Sinogastronomie, nous nous intéresserons à l’usage alimentaire des produits du palmier. Dans ce billet-ci, je vous propose de découvrir le jus de palmier à sucre.
Le jus du palmier à sucre est récolté pendant six mois de l’année, depuis le début de la saison sèche (novembre) jusqu’au début de la saison des pluies (mai). Le jus est récolté à partir des fleurs de l’arbre. Le palmier à sucre est à un arbre dioïque, c’est-à-dire que les arbres sont soit « mâles », soit « femelles » : un arbre donné ne porte que des fleurs mâles ou des fleurs femelles. Bien entendu, seules les fleurs femelles donnent des fruits, mais le jus peut être produit par les deux types d’arbre. Les arbres femelles produisent plus de jus. Un arbre donne entre 5 à 10 litres de jus par jour.
Pour récolter le jus, les paysans grimpent à l’arbre à l’aide d’une échelle rudimentaire faite de grands bambous portant des branches. Il s’agit d’un métier dangereux, car les risques de chute sont importants, et ces chutes ont souvent des conséquences graves : les fleurs sont au sommet des arbres, qui peuvent atteindre une hauteur de 30 mètres. Le plus souvent, on effectuer deux récoltes : on accroche les bambous le soir pour récupérer le jus le lendemain matin, et le matin pour récupérer le jus le soir.
Pour la récolte du jus, le « grimpeur de palmier à sucre » (អ្នកឡើត្នោត [néak laeung tnaot]) s’équipe d’une pince spéciale (qui diffère selon que l’on récolte le jus des fleurs femelles ou mâles), d’un couteau, et de plusieurs tubes de bambou. Il commence accrocher les tubes de bambou à l’extrémité des fleurs récoltées, puisse presse les fleurs, en allant du pédoncule vers la pointe. Enfin, il coupe l’extrémité de la pointe de la fleur, pour que la sève tombe goutte à goutte dans le tube de bambou.
Qu’il s’agisse de produire du « jus sucré » (ទឹកត្នោតផ្អែម) ou du « jus acide » (ទឹកត្នោតជូរ) (c’est le nom qui est donné au jus de palmier fermenté), on ajoute toujours dans les tubes de bambou quelques morceaux d’écore de l’arbre « popèl » (ពពេល, Hopea odorata ou Hopea recopei selon les auteurs) qui aide à purifier le jus recueilli. Pour le jus sucré, pas besoin d’ajouter quoi que ce soit d’autre. On peut consommer directement le jus, sucré à souhait et très nourrissant. C’est à partir de ce jus sucré que l’on produira le sucre (nous en parlerons dans un prochain billet). Le jus sucré peut être servir à la confection ultérieure de vin de palme. Nous parlerons de ce vin de palme dans le prochain billet.
Ci-dessous, une vidéo en khmer de la télévision nationale cambodgienne, montrant le travail des grimpeurs de palmier à sucre :

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