Littérature et gastronomie : La littérature et la boucherie, finalement, c’est la même chose, non ?

Je viens de terminer la lecture délectable du recueil de nouvelles Un général à la retraite, de l’écrivain vietnamien contemporain de tout premier plan qu’est Nguyên Hui Thiêp (recueil réédité par les éditions de L’Aube en 2015, ISBN : 978-2-8159-1123-8, traduction très fluide de Kim Lefèvre). La troisième nouvelle de ce recueil, intitulée « La dernière goutte de sang », narre l’histoire d’une famille qui, après une apogée éphémère, finit par s’éteindre. Le plus grand souhait du patriarche, boucher de son état, est de voir l’un de ses descendants réussir brillamment les examens du mandarinat. Pour ce faire, il conduit l’un de ses petits-fils, doté d’une intelligence peu commune, auprès d’un lettré de renom. L’artisan, avant de prendre la décision de confier ou non le chérubin à ce maître, s’enquiert de ce qu’est la littérature. Le maître se met en devoir d’expliquer au grand-père ce qu’est la science des lettres, et le boucher trouve une analogie pour le moins savoureuse avec l’art de la cochonnaille. Voici le passage :
« Il existe plusieurs sortes de littérature, dit M. Bình Chi. Il y a celle qui permet de gagner son pain ; il y a celle qui incite l’homme à devenir meilleur ; il y a celle qui lui sert de refuge pour fuir la vie et l’action. Il y en a même qui peuvent semer le désordre. »
M. Gia s’écria : « Je crois que j’ai compris. Je suis boucher, je connais bien la question. C’est comme pour le cochon : il y a le jambon, la tête, le filet, le lard ; mais tout ça, c’est encore du cochon. »
M. Bình Chi dit : « C’est exact. Aussi, quelle sorte de littérature désirez-vous faire acquérir à votre petit-fils ? »
M. Gia répondit : « Je pense que la poitrine est un morceau comme il faut : il y a du maigre, il y a du gras ; beaucoup de gens l’achètent, il n’est jamais exposé à la mévente. Alors, s’il existe une littérature qui ressemble à cela, c’est-à-dire de qualité moyenne et qui peut contenter beaucoup de gens, j’aimerais la faire acquérir à mon petit-fils. »
M. Bình Chi dit : « Je crois que j’ai compris. Ce que vous désirez, c’est une littérature qui permette de devenir mandarin. »
M. Gia battit des mains en s’exclamant : « C’est exactement cela ! »
(Ci-dessus, la première de couverture de mon exemplaire du recueil de Nguyên Huy Thiêp.)
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2 commentaires pour Littérature et gastronomie : La littérature et la boucherie, finalement, c’est la même chose, non ?

  1. Chantal Pistol dit :

    Je vais commander ce livre comme tous ceux dont vous nous parlé,il est dans ma liste.
    Chantal.

  2. Ping : Littérature et gastronomie : Un banquet en l’honneur d’un nouveau bachelier (Nguyên Huy Thiêp) | Sinogastronomie

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