Littérature et gastronomie : Anachronisme gastronomique chez Jinyong

Le spécialiste de l’histoire de la gastronomie chinoise Li Kaizhou (李开周 [lǐ kāizhōu), dans le livre qu’il consacre à la gastronomie des Song (À la table des Song, 《宋朝饭局》 [sòngcháo fànjú]), parlant des légumes qui étaient couramment consommés à cette époque en Chine, signale un anachronisme gastronomique dont s’est lâchement rendu coupable Jinyong dans le premier chapitre de son roman le plus connu, La Légende du héros chasseur d’aigles (《射雕英雄传》 [shèdiāo yīngxióngzhuàn]). (Concernant Jinyong, je vous invite à lire la petite note à la fin de ce billet.)
Je traduis librement le passage incriminé :
« Guo Xiaotian emmena Zhang-le-quinzième dans une petite auberge installée au bout du village. Ils s’installèrent à une table. Le patron de l’auberge, un boiteux, s’appuyant sur deux cannes, mit doucement à chauffer deux pots de vin jaune, et plaça sur la table une assiette de fèves, une de cacahuètes salées, une de tofu séché ; il y avait aussi trois œufs de canne salés, coupés en deux. »
Avez-vous repéré l’anachronisme ? Il s’agit bien sûr des arachides, originaires d’Amérique, qui ne furent importées en Chine qu’à l’époque de la dynastie des Ming (1368-1644). Dès lors, à l’époque des Song du Sud (1127-1279), à laquelle se déroule le roman, il était impossible que l’on servît dans une auberge chinoise une assiette de cacahuètes, qu’elles fussent salées ou non !
De même, à l’époque des Song, il eût été impossible de trouver d’autres végétaux qui sont aujourd’hui bien ancrés dans la gastronomie de l’Empire du Milieu : piments, tomates, pommes de terre, oignons, graines de tournesol, ananas, pastèques, pommes… Tous ces produits ne sont apparus en Chine que plus tard.
Note : Jinyong (金庸 [jīnyōng]), écrivain contemporain de Hong-Kong, est le maître incontesté du roman d’arts martiaux chinois. Il est extrêmement connu dans tout le monde chinois, et tous ses romans d’arts martiaux ont fait l’objet d’innombrables rééditions, et ont été adaptées de nombreuses fois sous toutes les formes possibles et imaginables (films, séries télévisées, jeux, bandes dessinées…) Le roman La Légende du héros chasseur d’aigles¸ connu aussi sous le titre de Les Héros du Condor, et la plus connue de ses œuvres. Ce roman constitue le premier volet de la « Trilogie des héros du condor ». La Légende du héros chasseur d’aigles a été partiellement traduite en français, et publiée par la Librairie You Feng en deux volumes, en 2004 et 2005 (ISBN : 978-2842791016 et 978-284279220).
Ci-dessous, la reproduction de la première de couverture du premier tome de mon exemplaire personnel en VO :
shediao yingxiong zhuan_small

Publicité
Cet article, publié dans Chine, Histoire, Ingrédients, Littérature et gastronomie, est tagué , , , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s