Revenant d’un petit voyage à Kratié (Cambodge), je m’arrête sur le bord de la route pour acheter, auprès de l’une des nombreuses paysannes qui avaient installé leurs stands sur le bord de la route (dans la région de Kratié, la récolte de ce tubercule se fait visiblement fin février), deux mille grammes d’un tubercule que j’ai déjà entrevu à Phnom Penh mais qui n’étais jamais apparu sur notre table.
De retour à Phnom Penh, je consulte notre experte en gastronomie indigène, notre talentueuse cuisinière Saroeung, qui m’apprend que ce tubercule est appelé en khmer « pik-kouk » (orthographié ប៉ិកគក់, parfois ប៉ិគួៈ). Je soupçonne une origine chinoise de ce nom, et, effectivement, une recherche rapide me permet de déterminer qu’il s’agit d’une transcription phonétique du mot chinois « baigua » (白瓜 [báiguā], littéralement « courge blanche »).
Ce que les Khmers appellent « pik-kouk » est en fait le légume que nous connaissons sous le nom de « pois patate », ou « jicama ». Jicama, ou plus exactement « jícama », est le nom mexicain (car ce végétal est originaire du Mexique) de Pachyrisus erosus, une plante de la famille des Fabaceae, c’est donc une légumineuse.
La plante a été exportée par les Espagnols du Mexique aux Philippines, puis, à partir des Philippines, elle a été diffusée dans toute l’Asie orientale, si bien qu’on la trouve aujourd’hui en Chine du Sud (notamment dans la province du Yunnan), mais aussi au Cambodge, au Vietnam, au Laos ou en Thaïlande. Les Chinois l’appellent [liángshǔ] (凉薯, « patate fraîche »), ou encore, dans la région de Canton, [shāgé] (沙葛). Le jícama est encore connu en anglais sous divers noms : Mexican yam, Mexican turnip, ou encore Chinese potato. De cette plante, seul le tubercule est comestible. La tige et les feuilles contiennent en effet un composé chimique toxique, la roténone, qui entre dans la composition de certains insecticides.
Le qualificatif de « patate » que certains appliquent à ce tubercule s’explique par son aspect extérieur : le tubercule est recouvert d’une peau de couleur brun clair, proche de celle de la pomme de terre, et il est vaguement sphérique. Il tubercule est de taille variable : les plus gros spécimens peuvent atteindre, paraît-il un poids de 20 kg, mais ceux que j’ai vus au Cambodge ont la taille d’une pomme de terre ordinaire, ou à peine plus gros.
La peau du tubercule n’est pas comestible. Il faut donc le peler avant de le consommer ou de le cuisiner. La peau s’enlève facilement par simple traction.
Au Cambodge, c’est le plus souvent cru que se consomme le jicama. Une fois pelé, le tubercule est découpé en dés de la taille d’une bouchée, et brièvement mariné avec un peu de sel. Mais on peut aussi l’utiliser cuit, dans des soupes, ou dans des ragoûts, en remplacement des pousses de bambou, par exemple.
En Chine, le jicama entre dans la composition de plats froids, mais il peut aussi être utilisé dans la confection de divers sautés. Dans les deux cas, il est débité en lamelles ou en petits bâtonnets.
La chair du jicama est d’un blanc pur, elle est légèrement sucrée, et très croquante. Sa texture me fait penser à celle des fameuses poires japonaises. Ce légume est également très juteux : il est en effet composé à environ 85% d’eau. Il est également riche en fibres et en vitamine C. (Pour des informations plus complètes sur le jicama, je vous invite à lire ici une note technique consacrée à ce légume, apparemment en vogue chez les adeptes du « raw food ».)
Je présenterai dans les billets qui suivront quelques applications pratiques du jicama dans les gastronomies chinoise et cambodgienne, mais en attendant, voici la photo de deux spécimens (un brut et un pelé) que j’ai ramenés de mon voyage à Kratié :
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